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Nouvelles formes de communication et d’évaluation scientifique (1/2)
2Le 25 septembre l’UNS a accueilli la journée des URFIST, consacrée aux nouvelles formes de communication et d’évaluation scientifique (voir le programme en ligne). L’occasion de mettre en perspective les pratiques d’édition et d’évaluation actuelles dans l’environnement numérique, et de faire le point sur des termes souvent cités, mais au contenu encore flou (épi-revues, Altmetrics).
La première intervention était consacrée aux épi-revues. Alain Monteil a présenté la stratégie de l’INRIA. L’institut a fait le choix volontariste de la voie verte de l’Open Access : dépôt obligatoire sur Hal pour les chercheurs, et évaluation basée sur les listes de publication Hal. Une offre Open Access est élaborée, en partenariat avec le CCSD, autour du dépôt dans Hal-INRIA, de Sciencesconf.org pour les conférences, et de la plateforme Episciences (revues). Le Journal of Data Mining & Digital Humanities (trimestriel) est déjà en ligne. D’autres projets concernent IAM- Informatics & applied mathematics,DMTCS- Discrete Maths & Theoretical Computer Science.
Ces épi-revues veulent offrir un nouveau modèle de publication, notamment dans des sciences mal représentées dans l’édition traditionnelle. Elles fournissent un label de qualité en continuité avec les éditeurs classiques (comité éditorial, évaluation par les pairs, archivage à long terme, visibilité et référencement) mais cherchent également à dépasser leurs limites : fournir un accès libre sans embargo dès la soumission de l’article, favoriser les échanges entre scientifiques en intégrant la dimension des réseaux sociaux ; réunir plusieurs objets (images, codes, vidéos…) ; aller vers la transdisciplinarité.
Le rôle de l’édition a été interrogé par plusieurs intervenants.
Pierre Mounier (Cleo) a évoqué les pratiques des blogs et carnets de recherche en SHS. Parfois présentés comme un moyen pour les chercheurs de retrouver une liberté d’écriture, en opposition aux publications, ces carnets recouvrent de fait des réalités plus variées, en hybridation avec l’édition traditionnelle qui conserve son rôle : blogs de chercheurs, veille, communication plus ou moins institutionnelle autour de projets de recherche, accompagnement éditorial (informations, discussions, commentaires). On peut citer en exemple les carnets des revues VertigO ou Terrain. La publication peut d’ailleurs à son tour naître à partir de billets de blogs (collection de livres Open edition press).
David Monniaux a tracé une vision très différente de l’édition en informatique, où le travail de mise en forme est perçu comme à la charge de l’auteur. Son blog n’aborde pas son travail de recherche, pas assez grand public. Il induit un mode d’écriture et des précautions spécifiques.
Les entreprises aussi s’interrogent sur les modèles éditoriaux. Faculty of 1000 a présenté deux de ses produits : F1000Prime (sélection d’articles par des scientifiques) ; F1000Research (publication en libre-accès sur le modèle auteur-payeur).
De façon comparable aux épi-revues, il y a une volonté de mise à disposition de l’article dès l’origine et de visibilité sur le processus d’évaluation (commentaires, versions etc). Mais le coût économique reste classiquement à la charge des établissements utilisateurs et/ou producteurs (respectivement abonnement et paiement par l’auteur).
Tout comme l’édition, l’évaluation évolue et a fait l’objet de plusieurs contributions stimulantes au cours de cette journée. A suivre dans le prochain billet !
Le coût de la connaissance
4Il y a 2 ans, le mathématicien Tim Gowers lançait la pétition du Cost of Knowledge, invitant les chercheurs à ne plus participer aux comités éditoriaux de revues publiées chez Elsevier, quand dans le même temps le coût des abonnements à ces revues continuait de croître d’une manière de plus en plus insoutenable pour les universités.
Comme il le constate lui-même dans un long billet paru fin avril, en dépit du nombre conséquent de signatures, aucun comité éditorial de revue n’a pour autant quitté Elsevier, ou fait pression d’une manière telle que les choses aient au final beaucoup changé en 2 ans.
Tim Gowers prend le problème par un autre bout : rassembler des éléments d’informations (« some facts ») sur la situation actuelle des universités du Royaume-Uni et ce que les produits Elsevier leur coûtent.
S’ensuit une longue quête de plusieurs mois, donc un long billet de plusieurs milliers de mots, qui se lit comme un récit et qui dévoile de nombreuses informations.
3 dimensions principales y sont abordées :
- Le modèle économique actuel
Explications sur ce qui compose le prix d’un abonnement chez Elsevier, d’où il vient, ce que sont les négociations par consortiums d’établissements : existe-t-il un modèle idéal ? - Les modalités du modèle
Ce que ce modèle coûte aux universités. Pour y voir plus clair, Tim Gowers a écrit à de nombreux établissements (et à Elsevier même) pour obtenir des données chiffrées, en appelant notamment au Freedom of Information Act - Les informations dont on dispose (ou pas) sur les 2 premiers points
ou plus exactement la difficulté à obtenir de telles informations
Ce billet doit conduire à réfléchir sur la situation française, évoquée d’ailleurs par l’auteur, avec le nouveau contexte de licence nationale, dont le modèle (économique et de services) a déjà entraîné de nombreux débats sur internet.
Si la longueur, combinée à la langue, peut vous décourager, vous pouvez passer par la traduction intégrale en français de ce billet.
Sa lecture en vaut vraiment la peine !
L’article original (en anglais)
Elsevier Journals – Some facts
Baisse des achats de manuels en BU
1Les résultats de la dernière enquête de l’Association des Directeurs de Bibliothèques Universitaires (ADBU) sur les budgets des bibliothèques universitaires viennent d’être publiés.
Avec un constat : confrontées à une augmentation continue du prix de la documentation électronique recherche, les bibliothèques n’ont plus les moyens d’acheter des livres. C’est aussi le cas à l’UNS.
A lire sur le site de l’ADBU
Dans le sillage de l’accord Elsevier
1Au premier abord, la conclusion d’un accord Elsevier le 31 janvier 2014 a été un soulagement : soulagement d’éviter l’inaccessibilité brutale d’un catalogue important après plusieurs mois de suspense.
Cependant le web et les réseaux sociaux se font l’écho d’interrogations concernant l’accord et ses clauses. Nous pensons important de les partager avec vous.
Petite revue de presse donc.
La confidentialité fait-elle le jeu des éditeurs ou sert-elle les intérêts des établissements et des négociateurs ? Daniel Bourrion (BU Angers) a diffusé le contenu détaillé de l’accord envoyé par la CPU et Couperin à leurs membres. Le retrait de ce document lui a été imposé, au motif que sa diffusion risquait de mettre en péril la formalisation du marché.
Récapitulatif de l’affaire et de ses implications sur le blog Biblioth|ê|thique
« Faut-il signer l’accord Elsevier », ou rejeter un accord présenté par Couperin comme équilibré et avantageux par rapport à ceux d’autres consortia ?
C’est la question posée par Pierre-Carl Langlais sur son blog et sur Rue89, question traitée également par Savoirscom1.
Les interrogations portent aussi sur la clause prévue pour le datamining, qui précise la position de l’éditeur mais pose des problèmes fondamentaux de droit.
Qu’en est-il du modus operandi ? La négociation s’est passée au plus haut niveau. C’est sans doute une bonne nouvelle sur le principe de voir les plus hautes instances, en accord avec la CPU et la CGE, se coordonner sur cette question et prévoir des licences nationales sur d’autres produits que les archives.
Ce qui n’empêche pas un questionnement de certains bibliothécaires sur le processus et les zones d’ombre restantes, notamment financières, ainsi que sur l’attitude de la profession.
A lire dans « Elsevier et le bibliothécaire lambda » ou sur le blog personnel de Daniel Bourrion.
La question de fond pourtant réside dans le rôle de la publication pour l’évaluation de la recherche et non dans l’accès aux revues, selon Christophe Péralès, président de l’Association de Directeurs de BU, dans un billet abondamment commenté. C’est ce que vise à contrôler la stratégie de l’éditeur avec ses produits Scopus ou Scival. Et c’est ce qui doit fonder la réflexion de tous sur les modèles.
Petite cuisine de la documentation électronique (3/3)
2Les carottes sont-elles cuites ?
Comment optimiser l’offre électronique compte tenu des contraintes de coût et de modèles économiques évoquées dans les billets précédents ?
Les institutions sont-elles condamnées à payer toujours plus ?
Sans doute, si on ne fait rien. Mais…
Les bibliothèques travaillent sur l’optimisation de l’offre, en lien avec la communauté scientifique, les responsables pédagogiques et les usagers, chercheurs comme étudiants.
Nous vous solliciterons régulièrement pour mieux connaître vos pratiques et l’usage de certains produits. Aidez-nous en répondant massivement aux enquêtes !
Face à des politiques commerciales agressives, il est d’autant plus important de mutualiser les informations sur les abonnements existants ou en projet, et de travailler en réseau, en coopérant entre acteurs de la documentation au sein des universités.
Sur le plan national, le rapprochement et la mutualisation de négociations entre le consortium Couperin, dont l’UNS est membre, et les grands organismes de recherche, permet d’éviter un double paiement, et donne plus de poids aux négociateurs.
Les négociations se durcissent, et le consortium demande aux éditeurs de tenir compte des réalités françaises, en refusant de valider des offres trop en décalage par rapport aux critères fixés.
L’appui des chercheurs est précieux en cas de négociation difficile. Depuis deux ans, Couperin et les BU les ont sollicités dans plusieurs conflits (ACS, Jurisclasseur et maintenant pour l’AIP et l’APS). Les éditeurs ont besoin des chercheurs, qui en tant qu’auteurs et reviewers sont un maillon essentiel de la chaîne éditoriale. En s’exprimant dans les médias, en protestant auprès de ces éditeurs et sociétés savantes, voire par l’acceptation d’un boycott ou d’un désabonnement temporaire dans certains cas, des évolutions significatives ont été obtenues dans les négociations.
Enfin le développement du libre-accès, notamment sa voie verte constitue une voie prometteuse, à laquelle chercheurs et doctorants peuvent contribuer, par exemple en déposant le texte intégral de leurs travaux sur Hal-Unice.
Faisons jouer l’information, la solidarité et la rationalisation des dépenses, au niveau local comme au niveau national avec les grands organismes de recherche et les licences nationales !
Voir aussi Petite cuisine de la documentation électronique (1/3) : du blé et de la galette
Petite cuisine de la documentation électronique (2/3) : Le paradigme du yaourt et de l’artichaut
Petite cuisine de la documentation électronique (2/3)
1Le paradigme du yaourt et de l’artichaut
Pourquoi s’abonner à des ensembles de revues, et non à des titres isolés ? Et quel lien entre le yaourt, l’artichaut et la documentation électronique sur abonnement ?
Les modèles économiques de l’électronique !
Contrairement au papier, il n’y a pas de prix unique pour une ressource. Les tarifs sont calculés selon les caractéristiques des établissements (nature, effectifs, maintien d’un chiffre d’affaire historique de dépenses chez l’éditeur). Plus un éditeur est important pour la communauté scientifique et plus l’abonnement risque de coûter cher. Certaines sociétés savantes essayent d’ailleurs aujourd’hui d’imposer une tarification à l’usage.
- La plupart du temps, comme les yaourts en promotion dans les supermarchés, l’éditeur vend un gros paquet de revues (un « bouquet », tout son catalogue ou des collections thématiques), beaucoup moins cher que les revues à l’unité. Pour une université pluridisciplinaire, couvrir les besoins de l’ensemble des usagers implique souvent de souscrire à ce type d’offre.
- Comme les artichauts, il y a beaucoup de déchet. Dans ces titres, une partie n’intéresse pas, ou seulement de façon marginale, les chercheurs de l’université.
- Et comme en supermarché, les bibliothèques passent la plupart du temps par une « centrale d’achat », le consortium Couperin, qui permet d’obtenir des tarifs préférentiels en négociant de façon groupée, en contrepartie souvent d’un engagement sur trois ans, ou d’accéder pour le même prix, en plus de nos abonnements, à l’ensemble des titres souscrits par les membres.
Une institution ne peut d’ailleurs pas tout acheter à l’unité : certains éditeurs n’ont pas d’offre pour les bibliothèques, alors que la version électronique est disponible pour les particuliers (ex : Le Monde, livres électroniques de certains éditeurs français en dehors de bouquets vendus par des intermédiaires).
Ces modèles de « bouquets » permettent d’offrir beaucoup de documents. Ils peuvent être intéressants en terme de service rendu pour des éditeurs spécialisés ou incontournables, car les chercheurs ont ainsi immédiatement accès à la plupart des articles dont ils ont besoin. Mais il y a des effets pervers en période de restriction budgétaire, puisque pour maintenir certains catalogues, il faut parfois en désabonner d’autres, en travaillant par grosses masses plutôt que finement titre par titre.
Alors est-il encore possible de concilier réalité budgétaire et service maximum ? Les carottes sont-elles cuites ? Pas de recette miracle, mais mon point de vue de gestionnaire de documentation électronique dans le dernier billet de la série…
Voir aussi Petite cuisine de la documentation électronique (1/3) : du blé et de la galette…
Petite cuisine de la documentation électronique (3/3) : Les carottes sont-elles cuites ?
Petite cuisine de la documentation électronique (1/3)
1Du blé et de la galette…
Pourquoi certains produits demandés comme les IEEE ne sont-ils pas accessibles ? Pourquoi d’autres produits ont-ils été désabonnés? Et pourquoi n’avez-vous pas accès à toutes les années pour un titre de périodique ?
La documentation électronique coûte cher. Même les plus grandes universités (Harvard, Montréal) connaissent des problèmes budgétaires et dénoncent actuellement les politiques commerciales des éditeurs.
L’augmentation annuelle des prix est très importante (4,5% en moyenne en 2013, jusqu’à plus de 10% pour certains produits).
Autant dire que depuis plusieurs années, les bibliothèques, dont le budget annuel n’évolue pas dans les mêmes proportions, se voient contraintes de supprimer des abonnements. Elles touchent parfois maintenant à des ressources importantes pour certaines communautés. Dans certains cas, les années souscrites restent consultables pour l’université, mais dans d’autres, l’arrêt de l’abonnement implique la perte d’accès.
Leurs budgets ne permettent a fortiori pas de souscrire à l’ensemble des produits. Il y a forcément des arbitrages, réalisés avec l’appui de la communauté scientifique. Certaines ressources trop onéreuses ne peuvent être acquises.
S’abonner ne veut pas dire avoir accès à l’intégralité d’un titre. En effet, pour la plupart des éditeurs, les archives des périodiques sont maintenant vendues séparément. Souvent, il ne s’agit pas dans ce cas d’un abonnement mais d’un achat pérenne, pour un coût de plusieurs dizaines de milliers de dollars. L’antériorité n’est donc pas toujours disponible, ou de façon partielle avec un effet de « saucissonnage », car un titre peut être disponible sur plusieurs plateformes pour des années différentes.
Pourquoi les abonnements portent-ils souvent sur des ensembles de revues, et non à des titres isolés comme pour la version imprimée ? Découvrez-le dans le prochain billet, consacré au paradigme du yaourt et de l’artichaut…
Voir aussi : Petite cuisine de la documentation électronique (3/3) : Les carottes sont-elles cuites ?