Humanités numériques : prêt(sque)
L’informatique est entré dans le monde des chercheurs en sciences humaines depuis longtemps déjà. On présente souvent le père Roberto Busa comme l’un des initiateurs de ces pratiques, qui avec l’aide d’IBM a automatisé l’analyse lexicale des textes de Thomas d’Aquin dès le début des années 1950.
Il est donc tout naturel que les recherches en linguistique soient déjà familiers de ces enjeux depuis longtemps. Y compris à Nice.
Néanmoins, le traitement informatisé n’est pas la seule dimension de ce qu’on appelle désormais les humanités numériques.
Il a fallu quelques années pour que la communauté scientifique intègre que les promesses apportées par le numérique changeaient non seulement les outils de la recherche, mais aussi ses perspectives.
Et c’est finalement tout une nouvelle culture qui se met en marche.
Les digital humanities, ou humanités numériques, sont une idée dans l’air du temps, dont la vogue n’est pas sans rappeler celle du web 2.0 il y a quelques années.
Néanmoins l’expression est également un concept permettant de désigner les conséquences sur la nature même de l’activité de recherche, notamment :
- l’accès facilité aux données
Auparavant, le temps du chercheur ou du doctorant pouvait être consacré à simplement constituer un corpus. L’alimentation de ce corpus justifiait en soi des mois ou années de recherche (à charge pour les successeurs de l’exploiter). - le passage de l’échantillon aux Big Data
les historiens travaillent souvent sur des archives éparses, clairsemées — bref : rares.
Exploiter l’état des paroisses et des feux de 1328 ne ressemble pas vraiment à l’utilisation qu’on peut faire des bases Insee relatives à la population française (et toutes autres sources parallèles). L’utilisation de ces données ne va pas de soi. - La production scientifique : les confrères n’attendent plus seulement de pouvoir bénéficier de l’article final. Les données brutes qui ont servi à l’élaborer, voire la base de données constituée pour l’occasion, doivent être mises à disposition.
Donc en ligne.
Donc dans des formats exploitables (et il y a une vie après le CSV). - La publication scientifique : Word, ce n’est pas une machine à écrire avec écran et la possibilité de cliquer sur Ctlr+Z. De même, le numérique, ce n’est pas que de la bureautique.
La diffusion en ligne permet de produire autre chose que du texte : des PDF contenant des images 3D, des frises chronologiques dynamiques — plus largement, toute une diversité de possibles sur la manière de donner à voir les résultats de la recherche - La diffusion scientifique au plus grand nombre.
Internet ouvre un champ nouveau de lecteurs : les citoyens.
Mais cette large diffusion n’est possible que si certains acteurs ne remettent pas des enclosures informationnelles, c’est-à-dire des barrières (juridiques, financières, techniques) qui dépossèdent le grand public du savoir produit dans les établissements de recherche.
Humanités numériques + bibliothèques = ?
Avec les humanités numériques, il est question de ressources, il est question de formats, de gestion, de traitement et d’enrichissement des données, de production scientifique, de pérennité, d’accès, de droits de réutilisation, de diffusion du savoir.
Bref, il est question de plein de dimensions dont les bibliothèques sont familières. Où elles peuvent accompagner les projets de recherche, par exemple :
- sur l’identification des référentiels à exploiter pour produire et publier des données
- sur les licences disponibles à associées à ces jeux de données, et plus globalement sur leur mode de gestion
- sur les questions de T&D mining (et notamment les services – ou pas – proposés par les grands éditeurs)
- sur la diffusion du savoir, notamment avec la mise à disposition immédiate via une archive ouverte
Pour aller plus loin
- HumanLit, un carnet d’Hypotheses.org sur les humanités numériques
- Une infographie sur les résultats d’une enquête menée par HumanLit portant sur les humanités numériques, portant sur la perception de cette notion auprès des chercheurs
- Renseigner une autre enquête sur les humanités numériques de Dariah-EU, visant à « comprendre comment les chercheurs européens utilisent les ressources, les méthodes et les outils numériques, et de quelle manière les infrastructures numériques peuvent répondre à leurs besoins » (afin de mieux développer leur offre de service).
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